Si le numérique est idéal pour accéder à des données, penser conservation à son sujet est impératif. Car les disques durs peuvent se démagnétiser ou être mis hors d’usage après un simple choc. Et si les CD, DVD et disques similaires sont insensibles à l’une et à l’autre de ces faiblesses, leur support aisément déformable et leur durée de vie ne dépassant pas quelques années à quoi s’ajoute leur faible capacité entraînant leur prolifération peu pratique les valent bien. Quant au risque incendie, la température à l’intérieur des armoires pare-feu grimpe à des degrés que ne tolèrent aucun matériel de stockage informatique. Dans tous les cas, la perte des données est aussi assurée qu’irrémédiable.
Une autre menace est apparue : l’instabilité des disques durs qui deviennent souvent impénétrables après seulement quelques années de vieillissement, moins à cause du phénomène de démagnétisation que par la modification chimique de leurs composants. S’ils offrent un gain de place et de temps d’accès, ils menacent de piéger les données vitales qui leur sont confiées. Comptabilités inaccessibles et archives plus vite en péril que sous l’effet d’une horde de rongeurs, la magie du numérique distille son amertume.
Que faire?
La recopie régulière du disque est le premier stade. Mais elle ne garantit pas contre la destruction. Il est donc souhaitable de lui adjoindre au moins un duplicata conservé dans un lieu différent.
Le placement du contenu sur un serveur constitue une sécurité de qualité à condition que le risque de destruction ne soit pas simplement « externalisé ». Le service devra donc être spécialisé en conservation des données, présenter des installations assurant une grande protection contre toute espèce de perturbation et des assurances de restitution contre toute défaillance de sa part.
Avec le cloud, le contenu est réputé suffisamment présent sur la toile pour en permettre la reconstitution. Mais cette dématérialisation n’exclut pas l’altération totale ou partielle d’Internet. Or nous savons que les conflits futurs seront d’abord des champs de bataille cybernétiques. La Grande Panne cesse d’être une simple hypothèse. Si nous n’y prenons pas garde, nous risquons de disposer davantage de témoignages des hommes des cavernes que de notre proche passé. Le problème de préservation demeure donc entier et il semble que le principe du blockhaus enterré ait encore de beaux jours devant lui !
De l’engouement excessif pour la technologie numérique à l’optimisation de son usage.
L’engouement excessif pour une nouvelle technique est le travers banal de notre société de consommation : par exemple l’électronique s’insinua partout pour ne plus être qu’un argument de vente. Mais, une caméra de plusieurs dizaines de milliers d’euros qui tombe en panne dans un coin reculé de la planète sous le simple caprice d’une diode au prix insignifiant a vite posé le vrai problème ! Les professionnels ont constaté que l’électronique n’apportait pas toujours de progrès. Il lui arrivait même de faire moins bien que la simple mécanique. Pour autant, nous n’y avons pas renoncé. Nous ne reviendrons donc pas sur la photo numérique. Mais au-delà des fichiers accessibles pour un usage immédiat, il faut installer une perspective de conservation visant à minimiser les pertes. Voici venue l’ère de l’optimisation. Le vrai progrès offert par le numérique commence maintenant.
Quelles sont les stratégies de conservation actuelles ?
La duplication des images numérique est bien entendu le stade initial de cette volonté. Cependant, un vieil acteur réapparaît: l’argentique. Sur le plan des résultats qualitatifs, les comparaisons sont toujours en faveur de l’argentique dès lors que les grands formats sont convoqués. Mais le problème n’est pas là. Le risque de disparition de normes est tout de suite apparu comme le grand danger du numérique. Bien qu’il se soit un peu restreint, celui de la perte du codex du format propriétaire fait toujours peser l’interdiction prochaine d’accès aux fichiers. Reste le choix entre cette épée de Damoclès et le transcodage dans un format universel qui altère plus ou moins le fichier et notamment les couleurs. On peut donc craindre que demain, des images d’importance soient inaccessibles ou au mieux dégradées alors qu’il sera toujours aisé d’utiliser quelques bains et un agrandisseur pour exploiter pleinement un négatif. L’état actuel de la technique installe donc l’argentique comme une optimisation du numérique. Non seulement il n’y a aucune exclusion entre les deux techniques, mais une complémentarité qualitative, économique et de perdurance comme de facilité d’accès.
Il est donc plus que jamais primordial de s’interroger sur le but poursuivi au moment de la conception de la prise de vue. Pour un usage immédiat, le numérique trouve pleinement sa place.
Est-il question de conservation, trois solutions sont envisageables :
– La prise de vue numérique et un contrôle régulier rigoureux du stockage.
– La prise de vue numérique puis son report sur pellicule qui se fait maintenant de plus ne plus rare. Est-il obsolète grâce à un réel progrès de stockage des données numériques ou par simple effet d’habituation et d’envoûtement au numérique auxquels nous succomberions ?
– La prise de vue argentique.
Mais existe-il des photos uniquement vouées à l’usage immédiat?