Imaginaire et imagination.
Il faut d’abord écarter la confusion de l’imagination avec l’imaginaire. la première est une fonction de l’esprit humain, au même titre que la raison. Elle est la capacité à imaginer comme la raison est celle de calculer. Mais elle ne le fait pas sans matière ni outils : l’imaginaire. Toute la production de l’imagination se fait grâce et par l’imaginaire qui a son tour a partie liée avec elle. L’imaginaire est donc un vaste réservoir de moyens et de productions que sont les images, les symboles et les mythes.
Quel rôle a l’imaginaire ?
A quoi peut servir l’imaginaire et pourquoi sommes-nous doués d’imagination ? Les sciences humaines ont montré que tout ce qui procède de l’être humain fait appel à l’imaginaire pour en expliquer et en fonder l’existence ou le fonctionnement. A commencer par la raison. Il faut donc se défaire de l’idée de l’imaginaire, et par voie de conséquence de toutes productions de l’imagination, comme étant la folle du logis qui doit à tout prix être contenue, réduite, enfermée, muselée et détruite. Le corollaire est qu’opposer raison et imaginaire n’a aucun sens.
Image et iconoclasme en occident.
Qu’est-ce que l’Image ? C’est ce qui se produit en chacun de nous en fonction des éléments constitutifs et immuables de l’humain associés à une culture, à une histoire personnelle, au quotidien. Nous sommes des créateurs infatigables d’ Images qui apportent les explications aux interrogations nous dépassant. Nous avons donc besoin d’elles.
Cependant la civilisation occidentale a développé une originalité : l’iconoclasme. Déjà Platon traitait les mythes d’histoires de bonnes femmes. Les Images ont été petit à petit évincées par la rationalité qui a donné naissance aux Lumières et a triomphé avec le positivisme du 19e siècle. « Je ne crois pas aux anges, affirme alors le chirurgien Claude Bernard parce que je n’en ai jamais rencontrés sous mon scalpel ».
Besoin d’Images et représentation.
Mais le besoin d’Images de l’être humain demeure. Nos pères y ont répondu avec le moyen consenti par l’iconoclasme : la technique. Ce furent la peinture, la photographie et le cinéma. Jamais une civilisation n’a autant figuré que la nôtre. Au passage, l’Image a glissé au rang de représentation qui montre, d’image. Pour autant, elle parvient encore à des degrés divers à se faufiler à travers elles. La civilisation occidentale n’est donc pas sans Images, loin s’en faut. A l’instar de toute civilisation, elle repose sur celles qui la dynamisent tandis que leur redoutable vivacité évincée par la rationalité prouve à travers nos comportements, nos croyances et nos manières d’agir l’impératif besoin que nous avons d’elles. C’est le grand paradoxe occidental.
La raison qui tranche et sépare continue à vouloir se défaire de l’imaginaire sans jamais pouvoir s’avouer qu’elle se met en danger. En fait, l’iconoclasme ne peut pas éradiquer les Images puisque sa propre architecture en dépend. Mais lui et la rationalité scient progressivement la branche qui les porte. Serait-ce l’explication au malaise de notre civilisation ?
Aller de l’image à l’Image.
Rechercher et comprendre l’Image, donc les ressorts qui nous dynamisent et transparaissent dans nos actions et projets n’est pas évident. Mais comme l’iconoclasme a substitué partiellement à l’Image des techniques de représentation, leur usage peut nous permettre de remonter vers Elle.
La photographie comme une pédagogie vers l’Image.
Comme l’Image a partie liée avec ce qu’il y a de plus intime en nous. Ce qui me touche me semble être le signe de sa présence. Je tente alors de le capter de manière à ce que la représentation lui donne à son tour accès. Je cherche l’Image à travers l’image. C’est en cela me semble-t-il que la photographie peut devenir passeuse.
On m’objectera que c’est également le cas pour cet autre art de la représentation qu’est le cinéma. C’est vrai, mais son image animée a la fâcheuse tendance de souvent plaquer à elle le spectateur quand la photographie lui laisse un espace de liberté plus propice à un travail de retour vers l’Image.
Quel est notre plus grand ennemi ? C’est Chronos, l’ogre qui dégrade, dévore, anéanti et au final gagne. Comment vivre dans cette perspective ? Malraux a vu dans l’art un anti-destin. La montre, avec la fragmentation puis l’éternel recommencement du temps se dresse contre le pourrissement et la néantisation. Elle est une réponse rationnelle à l’angoisse de la mort.
Dans son tableau La persistance de la mémoire, Dali peint des montres molles comme des camemberts coulant sur fond de rochers immuables. Pourtant le temps liquéfie les reliefs alors que la montre continue imperturbablement à égrener des heures de 60 minutes et 3600 secondes. La montre-donc la marque- ainsi mise en scène devient alors Le grand gardien de la constance et de la qualité indéfectible.
Symbole complexe, le masque voile l’écoulement du temps et révèle ce même temps dévastateur d’ordinaire caché. Il cache la gueule du temps et nous la projette au visage, il est ce que nous sommes et ce que nous allons devenir. Ce n’est pas un hasard s’il est utilisé par certaines tribus africaines lors du passage d’un temps qui a fait le sien à un autre. La montre est un masque rationnel qui happe Chronos et nous le révèle.
Elle impose son contrôle. Le temps insidieux devient net et précis au sortir de l’ordonnateur horloger.
La ronde des chiffres, parfois surdéterminée par la circularité du cadran, et à laquelle fait écho une danse de feuilles au mouvement matissien, est l’infini renouvellement conjurant la linéarité entraînant vers les profondeurs d’une nuit sans retour.
La volonté de mettre en cercle le temps gérant nos existences terrestres est celle d’appliquer le ciel -dont l’image traditionnelle est le cercle -sur la terre, de réaliser la quadrature du cercle.
Le temps maîtrisé est donc celui de la perfection, du bien et de la sagesse. La montre aux 7 masques combine les symboliques de la circularité, du masque et de de la Vierge entourée de sept médaillons représentant 7 scènes comme il y a 7 archanges et 7 planètes -à l’époque de l’élaboration de cette représentation, Neptune n’était pas encore connue. La montre est totalité, harmonie et beauté. D’où son image de bijou et les slogans ventant l’éternité souvent exploités de manière automatique par la publicité.
Elle offre un exode vers un paradis où le temps destructeur n’existe plus, n’existe pas.
Et c’est le temps dominé. La montre est allongée comme on peut l’être lors des vacances au bord d’une plage, sur une feuille morte dont l’attrait des couleurs laisse soupçonner une ancienne volonté séductrice sans effet sous le boisseau du tic-tac. La circularité du temps se fait promesse de vie immortelle et de bonheur.
Lamborghini Diablo.
Les voitures miniatures sont les premiers jouets des garçons qui rêvent d’en avoir de vraies. Et inversement, les souvenirs ramènent aisément les grands vers la miniature leur permettant de posséder indirectement une réalité inaccessible.
D’où l’idée de photographier la Lamborghini miniature comme s’il s’agissait d’une voiture grandeur nature afin de toucher les petits qui veulent faire comme les grands et la part d’enfant qui demeure chez les adultes.
Et inversement, pourquoi ne pas photographier les voitures grandeur nature comme si elles étaient des miniatures ?
Le vin:
Dans les traditions, la vigne est un arbre sacré et le vin la boisson des dieux. Elle est considérée comme l’arbre de la connaissance ou l’arbre de vie du paradis et il est symbole de jeunesse et de vie éternelle.
Un vin dénommé Mythique se devait d’être présenté dans un environnement dépouillé laissant émerger le sentiment du fondamental et de l’originel. L’emblème de l’entreprise étant la chouette l’oiseau de Minerve déesse de la raison, de l’équilibre, inspiratrice des art civils et agricoles tout comme le vin est image de la connaissance, la photo reprend la séquence d’introduction du film 2001 Odyssée de l’Espace où la bouteille vient remplacer le mystérieux parallélépipède noir.
La position inclinée de la bouteille reprend sa tenue dans la main gauche par l’observateur qui la découvre à la faible lueur d’une cave. D’ordinaire, le reflet est doux et lisse : on a alors aucune différence à l’image entre les vins ni d’appréciation les concernant. Le reflet un peu rugueux, voire sensiblement irrégulier indique l’âpreté particulière autant que la richesse du Chignin.
La Bière:
Dans la mythologie germanique, elle est le breuvage servi au Walhalla par les walkyries aux plus braves et plus valeureux tués au combat. Traditionnellement elle est une boisson de souveraineté et d’immortalité réservée à la classe guerrière lors de grandes fêtes. Elle est aussi de rigueur dans les rites de passages. La boisson fermentée est transformation, évolution, transmutation, mûrissement et régénérescence.
Le renouveau de la bière alors que la société occidentale est à la peine viendrait-il du besoin de stimulation pour les générations montantes en initiation devant repenser le fonctionnement du monde? D’où mon choix du street art fait par elles et doté d’une effervescence où prédominent les thèmes souvent guerriers en accord avec l’imaginaire de la bière.
Desperados
Street art au cactus
Le décor semble souillé par la graisse et l’huile. Le lieu désertique et le cactus rendent compte de l’épuisement qui appelle l’effort surhumain stimulé par la Desperados. Le chapeau et les épines du cactus ne seraient-ils pas la marque de l’esprit de rébellion autant que de persévérance ? La Desperados paraît comme la marque des aficionados de l’insoumission et des nuits.